jeudi 8 mars 2012

Témoignage de Delphine Boudon


J’ai beaucoup appris d’Alfred.
Tout au long des cinq années où j’ai dirigé le Ccfn à Niamey (de septembre 2006 à août 2011) il a été une boussole, un réconfort et le sel de ma raison de croire – dans un pays où le découragement gagne malheureusement si vite les « bonnes volontés »- au bien fondé de notre présence et de nos actions.
Notre complicité a été immédiate et naturelle.
Ayant auparavant et pendant des années accompagné en tant que productrice le travail d’artistes de tous horizons, je savais qu’il me fallait m’appuyer sur eux pour donner du sens à ce que j’allais entreprendre à Niamey et insuffler une vraie dynamique au Centre.
C’était aussi un besoin : je ne pouvais concevoir mon travail autrement.
Je trouvais en Alfred – écrivain, dramaturge, scénariste, directeur de compagnie, et metteur en scène- un « compagnon d’armes » impeccable.
Travailler avec lui était un plaisir puissamment stimulant…
Son enthousiasme et son intelligence des choses de la vie étaient stupéfiants.
Sa générosité et son appétit étaient immenses.
Il proposait et on avait tout de suite envie de le suivre.
Il en fut ainsi de la création du festival Emergences, un énorme pari.  Dès la première édition, en 2007, il réussit à fédérer la scène artistique nigérienne minée par les rivalités internes depuis des années. Tous se remirent au travail.  Lors des éditions suivantes et chaque année une dizaine de créations ou « sorties de chantier » nigériennes furent présentées voisinant avec les créations des amis artistes de la sous région qui répondaient toujours, enthousiastes, à l’appel d’Alfred.
Sachant à quel point le Niger souffrait d’un lourd déficit dans le domaine de la formation, il mit en place un programme totalement original de formations tous azimuts (écriture, jeu d’acteurs, journalisme culturel, administration de compagnie) et s'investit également t à nos côtés pour le programme de relance de l'édition initié par l'Ambassade de France.
Alfred était tout sauf naïf.
Sa lucidité grave à l’égard de son pays d'adoption, le Niger, le rendait parfois triste et il avait besoin de ces respirations que lui apportaient ses séjours en France et dans la sous région pour tenir. Je ne l’ai cependant jamais vu se décourager, jamais entendu se plaindre.
Il était toujours « debout «, présent, disponible pour tous.
Alfred aurait pu ne pas rester vivre et travailler au Niger mais, originaire du Togo, c’était le pays qu’il avait choisi. 
Il y avait deux épouses et six enfants. Il y avait ses amis.

J’admirai cet attachement sans bornes dont je connaissais le prix.
Aujourd’hui je pense à sa famille bien sûr mais je pense également à tous ses compagnons - acteurs, metteurs en scène, auteurs et cinéastes.
Alfred était l’éclat de rire, l’âme et le moteur de la scène artistique nigérienne.
Que tous ses amis se souviennent de lui avec bonheur et restent debout eux aussi, qu’ils continuent à travailler et à faire vivre cette scène nigérienne qui recèle tant de talents et mérite tellement d’être (re)connue.

Delphine Boudon, 5 mars 2012

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