lundi 19 mars 2012

La dernière aventure d'Alfred Dogbé en France

 MAIL ADRESSE A MONIQUE BLIN DU 27 NOVEMBRE 2011


Chère Monique Blin,
Je suis à Niamey depuis la fin de l'après-midi de vendredi. Chez moi,
il y a un monde fou venu pour les funérailles de ma sœur.
L'enterrement a eu lieu. Le calme revient. je manque juste de sommeil
et de repos. J'ai fui la maison et je peux envoyer quelques mails à la
sauvette.
J'ai laissé le rapport de la résidence que voici et des fichiers
contenant des textes à François pour qu'il les transmette à Corinne et
à toi.
C'est vraiment étrange, mais je suis rentré avec le sentiment d'avoir
un avenir devant moi. À vrai dire je ne suis pas du genre angoissé
mais cette fois-ci je suis carrément optimiste. Cela tiendra beaucoup
de mon ardeur au travail, je le sais. je sais aussi que je peux gager
le pari. Je me suis rarement senti ainsi, confiant.
Je voulais écrire juste une ligne pour te remercier. Mais je prends
pour moi ce que Michel Cochet a dit à propos de son association : la
seule vraie façon de te payer pour ton accompagnement acharné c'est
 d'aller au bout de l'ouvrage. Vrai de vrai, désormais, j'écris
pour que tu sois fière de m'avoir toujours donné le coup de pouce
qu'il fallait au bon moment.
Je reviens plus longuement te parler de travail.
Porte toi bien !
Alfred


EXTRAITS DU RAPPORT DE LA RESIDENCE D'AUTEUR ECRIT PAR ALFRED DOGBE

Du 19 octobre au 25 novembre 2011, j'ai été accueilli en résidence d'auteur au Théâtre Gérard Philipe, Centre dramatique national de Saint – Denis.
Pour cette résidence j'ai bénéficié du soutien de l'Organisation internationale de la Francophonie qui a pris en charge mon voyage, et de l'association Beaumarchais / SACD qui m'a octroyée une bourse.
Je me suis essentiellement consacré au développement de mon projet d'écriture : une pièce de théâtre encore à l'état d'ébauche et provisoirement intitulée : Fête la paix !
...

Rappel des objectifs

En venant au Théâtre Gérard Philipe, je souhaitais faire une résidence d'auteur et de directeur de compagnie d'une durée de deux mois.
Mon projet était d'écrire dans un théâtre en marche, c'est à dire d'intégrer une équipe artistique au travail, pour me confronter à ses usages, à ses exigences et à ses contraintes tout en développant un projet personnel d'écriture.

Organisation de la résidence

J'ai habité dans les locaux du Théâtre Gérard Philipe tout étant entièrement autonome pour mon séjour et pour mon travail. Un studio confortable et bien équipé a été mis à ma disposition.
Dès mon arrivée, j'ai été présenté à l'ensemble de l'équipe du théâtre, de sorte que je pouvais sans délai me faire prendre en charge pour tout problème.
J'ai eu les coudées franches pour définir mon plan de travail. D'une façon générale, je me suis réservé les matinées pour écrire, les après-midi pour suivre les travaux au sein du théâtre (répétitions, stages) ou pour participer aux interventions en milieu scolaire ; et les soirées pour aller au spectacle, lire ou rencontrer des amis.
Cette organisation m'a permis d'avoir de la concentration et de la continuité dans l'élaboration de mon projet d'écriture. Il faut souligner que dans ma routine à Niamey, je parviens exceptionnellement à  consacrer de deux heures par jour à l'écriture. Cette organisation n'a été perturbée qu'au cours de la semaine du colloque à Biarritz. La perspective même de cette interruption a aussi réduit ma disponibilité pour participer au activités du TGP.
Le séjour s'achève maintenant que je peux trouver l'endroit pour manifester une véritable curiosité professionnelle pour le fonctionnement du lieu. Je n'ai pas eu le temps d'interpeller mes nombreux interlocuteurs sur des questions qui manifesteraient autres choses que les surprises de la découverte.

Le développement du projet d'écriture

La résidence s'est mise en place beaucoup plus tôt que je ne l'imaginais. Et, contrairement à ce que j'avais espéré, je ne suis pas arrivé à Saint Dénis avec un projet d'écriture précis.
J'avais l'envie et le besoin d'explorer la question de la citoyenneté et de la responsabilité du citoyen. Je voulais développer des situations où l'individu, pris dans le dérèglement des affaires de la cité, éprouve sa fragilité comme sa grandeur. Je savais que ce travail allait être fortement nourri de l'actualité politique du Niger et de plusieurs pays d'Afrique.
D'autre part, j'avais la possibilité de soumettre la pièce en écriture au comité de lecture de l'association À mots découverts. Pour cela, je devais avoir rédigé une ébauche suffisamment parlante avant le 15 novembre.
J'ai surtout travaillé à construire mes personnages et à explorer les relations entre eux. Cela m'a amené à élaborer des situations et à rédiger quelques scènes dialoguées avant même d'avoir établi un canevas précis de l'ensemble de la pièce. C'est la première fois que je travaille de cette façon. Je ne suis toujours pas en mesure de donner un résumé satisfaisant de cette histoire que je découvre sous ma propre plume.
La pièce est provisoirement intitulée Fête la paix ! J'ai rédigé une dizaine de pages dialoguées qui correspondent  grossièrement au premier quart de la pièce en chantier.
Michel Cochet et les autres membres du comité de lecture de l'association À mots découverts ont bien voulu les examiner. Ensuite nous avons eu une séance de travail le mardi 22 novembre. Plus de trois heures durant, nous avons partagé leurs réactions et leurs analyses.
Cette rencontre m'a conforté dans l'idée que la pièce, telle qu'elle a commencé, comporte un potentiel dramatique fort. Il me reste bien de choix à faire, et bien que questions à clarifier. L'intérêt que tous ont manifesté m'encouragent fortement à mener ce projet très rapidement à son terme.

Les interventions en milieu scolaire

Dès le jour de mon arrivée, François Lecour m'a présenté à M. Arnaud XXX, directeur de l'école primaire XXXXX qui joute le Théâtre Gérard Philipe. Il  a souhaité que j'intervienne dans son école pour parler de la langue française et de la francophonie à ses élèves.
L'action a été rapidement mise en place : trois rencontres de 45 minutes avec des élèves de CM2. Delphine Bradier, puis Emilia Petrakis puis Fanny Delalandre m'ont tour à tour accompagné dans l'école et aidé pendant les rencontres.
Toutes les rencontres ont commencé par brève présentation personnelle suivie de la lecture d'une courte pièce de théâtre ou d'une nouvelle. Chaque fois, ces lectures ont suscité des réactions variées. Et insensiblement on en est arrivé au questionnaire que les élèves avaient préparé avec leurs enseignants. Chaque fois, c'était une discussion à bâtons rompus entre les élèves et moi, mais aussi entre les élèves eux-mêmes. Nous avons abordé de nombreux sujets : l'école, la famille, la vocation et les professions, le Sahel, la famine, le français et les langues du Niger, l'Afrique, l'esclavage, l'écrivain, etc Chaque séance a eu son centre d'intérêt principal. J'ai été frappé par la curiosité et l'intérêt de ses enfants. Ces rencontres se sont prolongés de maintes façons durant le reste de mon séjour, au hasard de nos rencontres aux abords du TGP qui jouxte l'école. J'ai su, par le témoignage de certains parents qui m'ont été présentés par leurs enfants, que ces interventions ont eu des échos très positifs dans les familles. Ce fut de délicieux moments qui m'ont aussi de rencontrer des gens du quartier, de construire une certaine familiarité avec quelques voisins.
...

Bilan


Ce séjour a été trop bref pour me permettre de réaliser tous les objectifs que je me fixais. Dans le même temps, je n'ai jamais eu le sentiment d'être saturé, dépassé par le temps ou les événements. Bien au contraire, j'y ai trouvé un rythme de travail efficace et beaucoup d’agréments.
Je retourne à Niamey satisfait. J'y retourne avec la conviction d'avoir pris le temps de concevoir Fête la paix ! ; une pièce de théâtre qui porte un propos que j'ai besoin de mettre sur la place publique. J'y retourne avec empressement pour me remettre au travail avec la détermination de terminer une première version complète d'ici à la fin décembre 2011.
C'est, je le crois vraiment, la seule façon de remercier toutes les personnes qui ont travaillé pour la mise en place de la résidence. Je pense particulièrement à Monique Blin, à François Lecour, à Corine Bernard, à Corinne Jutard, à Marie-Hélène Batard.
Je retourne à Niamey avec le désir de revenir pour achever quelque chose. J'ai eu juste le temps de me familiariser avec l'équipe du Théâtre Gérard Philipe. J'ai aussi commencé avec l'association À mots découverts un chemin que j'aimerais bien poursuivre.

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