Mon cher Alfred,
A 11h, Charline Grand, qui fut certainement ton amie française la plus proche, m’a envoyé un SMS pour m’annoncer sa venue au Théâtre Le Tarmac. Elle brûlait de me parler, et moi aussi. Nous n’en pouvions plus, chacun dans son île, de ressasser tant de ces beaux souvenirs qui font si mal. « Je suis sûre que s’il nous voit d’en haut ça lui fera plaisir… A tout à l’heure, j’espère ». Nous nous étions seulement croisés à Niamey, dans la nuit d’un théâtre improvisé de plein air, à la fin de « A l’étroit », qu’elle avait mis en scène.
A la fin de l’hommage qui t’était rendu, nous nous sommes retrouvés et nous avons parlé de toi longtemps, longtemps qui était si court. Charline m’a raconté des tas de choses de toi qu’elle seule sait. Dix ans d’amitié et d’étroites collaborations… Vraiment, Alfred, quelle belle amie tu tiens là ! Je suis bien certain, en effet, que tu étais content « là-haut », en épiant notre conversation ! Bien sûr nous avons aussi envisagé, avec une si grande difficulté, l’avenir ! Tout ce qu’il était possible de faire pour aider ta famille et rassembler toutes les traces que tu as laissées ici et là !
Quant à l’hommage ordonné par Emile Lansman, ça aussi cela a dû te faire plaisir ! On avait l’impression que tu étais devenu un auteur classique ! Trois excellents comédiens ont lu des nouvelles et des extraits de tes pièces. Et les spectateurs riaient ! Etrange, mais logique, paradoxe. Cette compilation vivante, et inédite, était parfaite pour saisir d’un seul coup la cohérence de ton style et de tes idées. Très drôle, en effet, mais quelle cruauté ! On dirait que tu t’es acharné, toute ton aventure durant, à mettre ainsi à nu les maux les plus durs de la société nigérienne. Quelle efficacité ! Du miel pour un acteur ! Emile Lansman nous a raconté aussi qu’au tout début de ta carrière d’écrivain professionnel, personne ne donnait cher de ton avenir de dramaturge. Cela m’a bien fait rigoler car je sais bien que l’exercice de la nouvelle était ce qui te satisfaisait le mieux – intimement -, que cette forme était la traduction la plus pure de ton ambition littéraire : le fantastique social au scalpel. On y reviendra, n’est-ce pas ? Le plus juste serait bien de rassembler en un seul volume toutes celles que tu as disséminées.
Dans ce tout petit moment, modeste et juste, il s’est passé également des choses d’importance considérable : les responsables du TGP, François Lecour (très fraternel) et Nathalie Pousset, nous ont fait savoir qu’ils avaient obtenu une aide de la SACD pour payer la scolarisation de tes enfants durant trois ans ! Quel immense soulagement ! Nous leur témoignerons longtemps notre reconnaissance !
Monique Blin, avec qui tu as travaillé depuis très longtemps, était là aussi et elle avait choisi, avec beaucoup de pertinence, de lire des notes que tu lui avais adressé sur ton travail en cours : une chronique, en fait, de ton immersion sociale. J’espère que Monique Blin nous fera parvenir bientôt ces textes, qui en disent beaucoup plus long que tout autre chose sur ton engagement politique, ta bataille contre l’hypocrisie et la servitude volontaire vendue par les idéologies.
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