samedi 30 juin 2012

Mille francs équivoques


La nouvelle inédite qui suit donne une bonne idée des tourments infligés par la recherche, au jour le jour, des « petits sous indispensables » à toutes formes de survie – ce cercle vicieux qui laisse exsangue et auquel Alfred n’échappait pas, comme n’y échappent pas aujourd’hui ses amis et la quasi totalité des artistes. Les mille francs dont il s’agit ici sont un prétexte on ne peut plus réaliste pour évoquer cette chasse et, en même temps, aborder la démultiplication d’un malentendu inhérent  à la société nigérienne – ici entre les adultes et les enfants.
L’enfant est au cœur de plusieurs nouvelles d’Alfred. Le fait est tout à fait remarquable. Il a su transformer une délicatesse d’observation en une force de vérité frontale. On sent très bien dans ces différentes nouvelles la sincérité de sa proximité avec les petits frères. Ce n’est pas seulement parce qu’il fut professeur, il avait su préserver en lui cette part d’innocence - luxe comparable à la passion de la littérature. N’osons pas parler de thème chez un auteur, qui se méfiait des tentations de prédication qu’offre la qualité d’écrivain, mais d’une insistance révélatrice à évoquer, par le récit populaire, ce terreau de violence sourde où s’érigent les murs de l’éducation. Ce trait acide souligne, comme toujours, l’un de ces paradoxes saisissants, cruels et empathiques, qui font le sel des contes doux amers d’Alfred Dogbé.
Un matin à Niamey, peinture de Sani

Boris fait l’école buissonnière

1
Ce matin –là, Boris s’est réveillé comme si un scorpion l’avait piqué. Il ouvre la fenêtre et se penche pour scruter le sol de la cour déserte. Il lui semble voir les sillons que trace chaque matin la moto de son père.
- Aïe ! Il est déjà parti!
Découragé, Boris se laisse tomber sur son matelas. La pièce est plongée dans la pénombre de l’aube. Toute la maison est silencieuse. La radio ne donne pas les nouvelles du monde depuis la chambre de ses parents. Un bruit régulier du balai sur le sable lui parvient : sa mère. Elle est en train de s’activer dans un coin. Soudain une sonnerie retentit. Boris sursaute. Son visage s’éclaire de joie: il a reconnu le réveil-matin de son père. Boris ne l’entend presque jamais, car il sonne toujours à cinq heures trente. Le père sort de la chambre, une serviette nouée autour de la hanche, et son sac de toilette à la main. Il voit son fils debout à la fenêtre et non pas endormi comme d'habitude sur son matelas au milieu du salon.
- Boris ?…
- Bonjour papa!
- Déjà debout ?… Tu vas bien?
- Oui…
Sans plus de commentaire, le père rejoint les toilettes dans la cour. Le père est toujours pressé le matin. Il a juste le temps de s’habiller, de déjeuner et d’enfourcher sa moto pour se présenter au bureau à sept heures pile.
D’habitude, c’est lui qui réveille Boris au moment de partir. Boris ne se lève que beaucoup plus tard lorsque sa mère vient balayer les chambres. Et même qu’elle doit presque se fâcher avant que garçon n’accepte de sortir des draps. Aujourd’hui, Boris a déjà rangé le matelas sous le buffet. Il a remis la table et les fauteuils à leur place, exactement là ou il avait fait sa couche. Il a pris sa douche matinale et s’est habillé à toute vitesse. Avant six heures, il est venu s’asseoir en face de son père qui finissait son café au lait.
- Tu es bizarre, ce matin. Qu’est-ce qui ne va pas, Boris ?
- Papa,…et pour mon pique-nique ?
- Ecoute, Boris… je n’ai pas d’argent en ce moment… On verra ça demain, hein?…C’est à toi que je parle, non ?… Boris!
Boris n’attend pas la suite. Il se lève et tourne le dos. Le père hurle :
- Reviens ici tout de suite! Quelles sont ces manières ?
Les petites sœurs de Boris, Hadju et Akou, sont brutalement arrachées au sommeil. Elles sortent de la chambre à coucher pour regarder sans comprendre le père qui crie sa colère.
- Que veux-tu que je fasse? Je n’en ai pas, je n’en ai pas !… Je voulais bien te faire plaisir… Ah oui ! C’est pour ça que tu t’es réveillé avant tout le monde ? Eh bien, tu peux te coucher. Tu peux dormir jusqu’à huit heures… pour être en retard comme tous les jours. Si à quatorze ans, tu n’es pas encore capable de comprendre la situation de ta famille, si tu peux pas comprendre les efforts que, ta mère et moi, nous faisons pour vous, alors là, tu es vraiment bien parti !
- Que se passe t’il ? Interroge la mère de Boris qui a accouru, alertée par la voix de son mari.
- Il se passe que ton fils veut me cracher à la figure parce qu’il ne pourra pas jouer au fils à papa. Tout ça c’est ma faute d’ailleurs : si je t’avais pas inscrit dans cette école. Moi aussi j’ai des amis qui font des pique-niques, et je n’y vais pas. Tu sais pourquoi ? Parce que je veux que vous fassiez de bonnes études, toi et tes sœurs. Comprends ça une fois pour toutes et cesse de te prendre pour ce que tu n’es pas !
Le père sort sans finir son petit déjeuner, sans dire au revoir à personne comme il le fait tous les jours. Il démarre sa moto comme un cascadeur, se cogne presque au portail et laisse derrière lui un épais nuage de fumée.
Quand le silence revient dans la maison, la mère rejoint Boris dans le coin où il s'est mis.
- Ne sois pas méchant, tu sais bien que  s’il avait cet argent il te l’aurait donné.
- Moi je ne lui ai rien dit. Il faisait son bruit tout seul. C’est toujours comme ça quand il ne veut pas tenir ses promesses. C’est lui qui m’a promis les mille francs.
- Mais s’il n’en a pas?
- Il en a. De toutes les façons, tu es toujours avec lui, contre moi. Il peut garder son argent. Qu’il le garde ! Il va voir, j’irai à ce pique-nique sans son argent ! Qu’est-ce qu’il croit ?
Boris pleure et il parle de plus en plus fort tout en fouillant dans ses affaires. Il se saisit de son cartable et sort à son tour. Sans déjeuner, lui aussi.
- Boris ! Boris ! Que vas-tu faire ?
Sa mère le regarde franchir le portail. Elle est à la fois triste et fière.
- Il est aussi entêté que son père !… Bah! Il va se calmer. Ils vont tous se calmer… Si seulement ils pouvaient ne pas se disputer tout le temps !
2
Boris marche à grandes enjambées furieuses, la tête en feu et le cœur bouillonnant de colère. Tous ses camarades ont déjà versé leur cotisation. Sauf lui. Pourtant, il a accepté de se priver d’argent de poche depuis deux semaines. En échange son père devait lui remettre mille francs. C’était ce qui était convenu. Mais son père n’a pas arrêté de lui chanter la même rengaine:
- Pas ce matin, certainement ce soir. Demain s’il plaît à Dieu…
Plusieurs fois Boris a obtenu un délai supplémentaire auprès de ses camarades. Il n’en sera plus question. Et maintenant, c’est trop tard pour se désister. On va lui rire au nez.
- Tu te rappelles, Boris, quand nous étions au bord du fleuve?…Ah oui, tu n’y étais pas... Aïe aïe aïe! Tu a manqué des choses… Mais pourquoi donc ?…
Boris quitte le chemin qui conduit au collège. Il pénètre dans une maison abandonnée. A l’abri des regards, il se débarrasse du pantalon kaki et de la chemise de popeline bleue. Il endosse un jean et un T-shirt blanc qu’il a pris soin d’emporter. Il cache son sac d’écolier sous un tas des briques. Désormais, Boris peut passer pour n’importe quel enfant de la rue. Libre de faire ce qu’il veut. Son plan est de se rendre au Petit Marché et de travailler comme porteur. Utiliser ses mains et ses forces pour gagner l'argent que son père lui refuse.
Boris marche longtemps dans les ruelles encombrées du Petit Marché. Personne ne s’intéresse à lui. Au quartier des vendeuses de poisson frais, une dame le fixe dans les yeux tout en criant :
- Gare à vos poches! Les petits voleurs sont parmi nous!
La femme est maigre comme un fil de fer. Le garçon a honte. Il prend peur aussi. Il s’éloigne très vite, en évitant soigneusement de toucher les passants. Sa mère lui a plusieurs fois raconté qu’il suffit que quelqu’un crie «Au voleur !» en montrant du doigt n’importe qui dans le marché pour que l’accusé soit aussitôt battu à mort. Boris ne reprend vraiment son souffle qu’une fois en dehors du marché.
3
Ses pas le conduisent au parking du super marché. Soudain il entend une voix derrière lui:
- Hé, jeune homme, viens m’aider !
Boris se retourne et voit une dame dans une posture incroyable. En équilibre sur un pied, elle a relevé le second, très haut, pour coincer un sac d’emballage entre son genou et son menton. Au bout de chacun de ses bras pendent des sacs de plastique. Tout autour d’elle, d’autres sacs pleins à ras bord éparpillés par terre. C’est à la fois drôle et pathétique. La dame, une Européenne, est toute rouge et sur le point d’exploser en larmes :
- Aide-moi s’il te plaît. Ma voiture est en face.
Boris s’approche.
Quand la dame reprend son souffle, elle sourit de reconnaissance. Ses dents sont toutes blanches. Elle se met à parler très vite :
- Oh la, la ! Qu’est-ce que j’ai eu chaud ! Je ne comprends pas pourquoi ils ne mettent pas des chariots à disposition comme partout. Qu’est ce que j’aurais fait si tu n’étais pas arrivé ? Voilà ! Doucement, voyons ! C’est fragile, tu sais ! Ce sont des verres à boire. C'est la fête de mon fils. Douze ans, aujourd'hui même. Je m’en souviendrai, hein, de cette journée… Ah, c’est sûr que je m’en souviendrai !
Elle ne cesse de parler que lorsque tous ses effets sont rangés dans le coffre de la puissante 4X4. Alors, elle s’immobilise bien en face de Boris et le regarde droit dans les yeux. Elle est belle. Elle sourit encore. Boris se dit :
- Ça y est ! J’ai enfin gagné l’argent qu’il me faut.
La dame lui tend une main chaleureuse.
- Je vous remercie infiniment.
Sa main est douce. Son haleine est fraîche. Boris se voit déjà dans la cour de l’école en train de raconter à ses camarades, béats et jaloux, qu’il a serré la main d’une femme blanche? Quand Boris réalise que sa main est vide, la puissante 4X4 est en train de piaffer d’impatience au feu rouge. Il s’élance à sa poursuite.
- Madame! Ho, Madame!
Boris ne fait que quatre pas. Au cinquième, il s’arrête net. Devant lui, une autre femme. La meilleure amie de sa mère. Elle vient à petits pas rapides. Aussitôt, Boris pivote sur lui–même et s’éloigne en boitant. Les talons de la dame claquent de plus en plus proche dans son dos.
- S’il elle me reconnaît, je suis mort !
La dame gagne du terrain. Alors, Boris abandonne sa démarche de faux boiteux pour fuir à toutes jambes.
4
Un peu plus tard, Boris tombe sur un groupe de porteurs qui déchargent des camions de sacs de sel. Tout un convoi de gros camions. Enfin du travail bien payé ! Boris propose ses services. On lui conseille de s’adresser à un homme que tout le monde appelle «Grand Frère ». C'est lui qui recrute et paie.
Boris le trouve allongé dans un hamac à l’ombre d’un nem. Une dizaine de personnes discutent bruyamment autour de lui. Grand Frère est grand et dégingandé. Il est vêtu d’un élégant boubou de basin blanc et brillant. Il parle peu. Ses gestes sont lents et mesurés. Ses petits yeux noirs se posent sur Boris. Un jeune homme lui apporte du thé vert. Il prend le verre, le sirote puis allume une cigarette. Ses dents, rougies par les noix de cola et le tabac, semblent teintées de sang. Sa voix est métallique.
- Tu es nouveau, ici.
- Je veux travailler.
- Tu as raison. Un homme doit travailler. Donne-moi ton nom et reviens demain.
Boris ne bronche pas. Alors, Grand Frère ajoute :
- Je veux bien t’aider mais il faut que tu sois patient. Tu t'appelles comment?
- Boris!
- Tu es très déterminé. J'aime ça. J'ai une idée! Omar! Omar ?
Tous ceux qui entourent Grand frère se mettent à héler le nommé Omar. Un homme d’une trentaine d’années arrive en courant. Il s’accroupit au pied du hamac.
- Me voici, Grand Frère.
- Ce jeune homme veut travailler. Tu vas lui vendre ta place.
- C'est comme tu veux, Grand Frère.
- Très bien! Chaque porteur est payé cinq cents francs par camion déchargé. Il prendra ta place. Vous partagerez la paie. Moitié, moitié. Chacun versera cinquante francs par camion à la caisse. C’est d’accord ?
Le nommé Omar est plutôt satisfait. Boris n’est pas du tout d’accord:
- Pourquoi je vais gagner la même chose que lui alors que c'est moi qui travaille ? Et puis la caisse c’est pourquoi ?
Un tollé d’exclamations s’élève autour de Boris.
- Quoi ?
- Hey ! Venez entendre ça!
- Il ose discuter les ordres du Grand Frère !
- Laisse-moi regarder ce morveux de plus près.
- C’est un élève, ça se voit tout de suite.
- Tu as raison : il faut avoir été abruti par l’école pour parler comme ça.
- Tout ce qu’on leur apprend c’est ça : Moi je pense que…Nous exigeons que…
- D’où sors-tu, même ?
- On ne t'a pas appris à te taire devant tes aînés ?
- Laissez-le tranquille! Petit, si ça ne te convient pas, tu peux partir.
Les lèvres de Grand Frère ne remuent presque pas quand il parle mais le silence est total. Boris, lui, n'est pas du tout impressionné par l'homme qui a domestiqué tout ce monde.
- Moitié, moitié… Mais c'est Omar qui paye la cotisation puisque...
Grand Frère lui coupe sèchement la parole :
- Tu peux partir!
Boris cède. Après tout, il suffit de décharger cinq camions. Il rejoint l'équipe des porteurs qui s'activent autour des camions.
Après le troisième véhicule, Boris a mal partout. Sa démarche provoque l’hilarité générale. Il manque plusieurs fois de s'écrouler sous le poids des sacs. Mais il tient bon jusqu'à la fin du cinquième camion. Alors, il demande à partir.
- Tu vois, ici ce n’est pas pour les femmelettes qui parlent beaucoup ; commente Grand Frère en lui remettant sa paie.
- Tu me dois mille francs. Où est le reste?
Grand Frère se met vraiment en colère. Boris ressent soudain une violente brûlure sur la joue droite. Puis une autre sur la gauche. Le vertige le terrasse au pied d’un immense tronc d’arbre tout blanc. L’arbre semble toucher le ciel. Le tronc se penche sur lui. Boris reconnaît les yeux noirs de Grand Frère qui lui sourit. Il a l'air gentil mais sa voix est métallique.
- Ici, ce n’est pas la brousse. C’est organisé, ici. Ce n’est pas la pagaille. Tu vas te lever et tu vas travailler comme les autres. Tout de suite ! Je vais prélever une amende sur ta paie pour t'apprendre à réfléchir avant de parler ! Dégage !
Boris se relève. Il voit encore flou mais il entend très bien les commentaires.
- Il s'en va comme ça ! Sans rien dire! Mais, bon Dieu, qu’est-ce qu’on leur apprend à l’école ?
- Qu’est ce qu’on dit, petit impoli ?
- Merci ! S’entend dire Boris qui ne sait même pas où il a mal.
- Merci qui ? Demande un autre.
- Merci, Grand Frère ! Lâche le collégien qui ne reconnaît plus sa propre voix.
Une fois suffisamment éloigné, Boris compte et recompte sa fortune: six cent cinquante francs. Il est midi. Il a faim, mais il n'ose pas prélever sur l'argent si durement acquis. Une seule question le tourmente : va t-il réunir les mille francs avant la fin de la journée ?
5
Au début de l’après-midi, Boris aperçoit un groupe de talibés qui jouent aux cartes à l’intérieur d’un vieux container. Il s'approche. Aussitôt les cartes disparaissent. Tous les joueurs se dressent sur leurs jambes, prêts à la fuite ou à la bagarre.
- Qu’est ce que tu cherches ?
- Rien, je voulais seulement regarder.
- C’est pas la télé ici.
- Si tu ne joues pas, tu dégages
- Je veux bien. C'est au 21 que vous jouez, non?
- La mise c’est cinquante francs.
- Quoi ?
- Nous, on ne joue pas pour s'amuser !
Boris n’a pas compris. On lui explique. C’est un jeu d’argent. Chaque joueur dépose  cinquante francs avant de recevoir trois cartes. Le gagnant c’est celui qui a un total de vingt et un points : il ramasse les mises de tous les autres joueurs. Les jeux d’argent sont interdits. La police arrête les gens qui s’y livrent. C’est pourquoi les joueurs ont un œil sur le jeu et l’autre sur les alentours. Deux d’entre eux gardent l’entrée du container. Ils ont des biceps et des poitrines de gladiateurs. Boris fait un calcul rapide. Il y a huit joueurs. Ce qui fait un gain de quatre cents francs par jeu. Il suffit de gagner une seule fois. Avec un peu de chance, il peut même gagner deux fois. L’occasion est vraiment belle. On lui fait de la place. Il dépose sa mise. Le jeu est rapide. Très rapide. Trois minutes plus tard, Boris a perdu deux cents francs. Il commence à regarder attentivement autour de lui. Il surveille celui qui bat les cartes. Quand les joueurs changent leurs cartes, il ouvre grand ses yeux. Mais c’est rapide. Trop rapide. Il continue de perdre. Il ne lui reste plus que cinquante francs. C’est son tour de donner les cartes. Il se concentre. Les cartes sont très vielles. Elles se collent les unes aux autres. Boris les bat très lentement. Il prie intérieurement :
- Bon Dieu, fais que je gagne! Je dois gagner!
Ses mains tremblent. Tout son corps tremble. Les autres le regardent en silence. Il donne les cartes une à une. Il dépose le talon. Il prend sa main. Lentement, très lentement. Il l’ouvre.
- Ouais, j’ai gagné!
Boris abat son jeu : Trois fois sept. Il a gagné. Il ramasse quatre cents francs. Il veut se retirer du jeu. Il se lève.
- Où vas-tu ?
- Assois-toi !
- Ici, ce n’est pas comme ça.
On lui explique la règle qu’il ignorait. Le joueur qui veut quitter le jeu après avoir gagné doit miser à la place de chacun de ses adversaires. Ce qui revient à leur abandonner tout son gain. Boris voit bien qu’il n’a pas le choix : Les bras croisés et le regard mauvais, les deux gladiateurs suivent la discussion depuis l’entrée du container.
Boris se rassoit. Il dépose sa mise. Le joueur suivant donne les cartes. Boris perd. Il perd au jeu suivant. La partie devient plus rapide. Il perd de plus en plus vite. Quand son tour arrive de donner les cartes, il ne lui reste plus rien. Il a perdu tout son argent en moins d’un quart d’heure. Il ouvre la bouche pour dire qu’il ne peut même plus payer sa mise. Ses lèvres sont sèches. Des larmes ruissellent de ses joues et tombent sur le paquet de cartes. Les autres éclatent de rire. Boris s’en veut de pleurer devant ces truands. Il se lève pour se retirer du jeu. Ses douleurs reviennent. Il a mal partout. Il ne voit rien. Sa jambe heurte l’épaule de quelqu’un. Il s’écroule au milieu des joueurs. Et les rires résonnent lourds comme un couvercle de plomb au-dessus de lui. On l’aide à se relever. Quelqu’un lui explique une autre règle : le joueur ruiné a droit à une mise gratuite. Une dernière chance à saisir. Boris accepte. Il bat les cartes. Il les donne. Il regarde sa main. Ses yeux sont toujours embués de larmes. Quelqu’un ramasse les mises. Boris ne peut même pas vérifier. Les autres s’en moquent. Ils sont pressés d’entamer une nouvelle partie.
- Bon, tu dégages ! Qui donne les cartes ? On perd pas de temps.
Boris se lève péniblement. Ses épaules et ses cuisses hurlent de douleur. Les gaillards s’effacent sur son passage. Pas un mot. Leurs yeux semblent dire :
- On t’a bien eu, pauvre con!
Boris s’éloigne lentement. Il est amer et furieux contre lui-même. Il a travaillé dur au point de tomber malade, juste pour remplir les poches des autres. Il n’est pas allé en classe. Quant au pique-nique… Non ce n’est pas la peine ! Maintenant, il ne veut qu'une seule chose : rentrer à la maison.
6
Le soir tombe. Boris marche tristement. Chaque pas lui coûte des douleurs dans les jambes et dans l’épaule. Il a dû faire un grand détour jusqu’à la maison abandonnée. Son père lui posera des questions. Il lui fera croire qu’il s’est attardé dans la cour pour jouer au football. Ainsi sa mère ne s’inquiétera pas pour ses courbatures. Tout à ses pensées, Boris avance vers la maison, indifférent à l’agitation de la rue. La porte d’une boutique s’ouvre brusquement et Boris la reçoit en  pleine figure.
- Oh pardon, monsieur! Vous n’êtes pas blessée ?
Boris lève la tête. Il croit rêver. La dame du parking avec ses sacs de plastique. Le regard franchement hostile de Boris la désoriente :
- Je suis vraiment désolée.
- Maintenant vous allez me payer.
- Pas question! Si tu es blessé, je suis prête à te conduire chez mon médecin. Mais je ne vois pas pourquoi je payerai, tu n’as pas travaillé pour moi!
- J’ai travaillé pour vous ce matin; et vous ne m’avez pas payé !
- Moi ?
- Au parking du petit marché. Vos colis étaient versés par terre. Je vous ai aidé à les porter jusqu’à la voiture. Ce n’est pas du travail, ça ?
- C’est vrai, en effe ! Excusez-moi, j’étais très pressée… Toutes mes excuses…
Elle ouvre son sac à main. Boris lâche un grand soupir.
Au fait tu n’étais pas habillé comme ça ce matin! Tu es un élève, toi!… Pour te donner mon avis, tu ferais mieux de rester en classe. Mais bien sûr, ce sont tes affaires. Tu fais comme tu veux ! Tiens! Mais…?
A l’entendre parler ainsi, Boris est pris de honte. Il se met à courir vers la maison sans prendre l’argent qu’il a réclamé. Il aurait voulu disparaître sous terre.
7
Boris arrive à la maison. Il fait déjà nuit. Son père ne lui laisse pas l’occasion de mentir :
- J’ai été à ton école. J’ai remis ta cotisation à tes camarades. Ah oui, j’ai aussi dit à ton directeur que tu ne te sentais pas bien. Demain fais attention à ce que tu leur diras.




mardi 26 juin 2012

Une soirée de rêve


Béto, sur le chemin du Luxembourg, titubant de fatigue après trois mois de tourmente consacrés au Festival Emergences, nous offre des tee shirts à l’effigie d’Alfred Dogbé illustrant les échos du Festival en son absence. Troublants chiffons ! Béto nous a raconté que ce même portrait, imprimé sur une bâche, est resté suspendu pendant trois mois sur les enceintes du CCFN. Sourire, infiniment ouvert, suspendu au temps qui s’enfuit.

De loin, nous retenons l’idée que cette sixième édition fut, parmi tant d’enjeux, un retour à l’orfèvrerie corrosive des textes : le geste premier de "A l’étroit" et un atelier de mise en scène pour expérimenter la transposition sur une scène de la nouvelle "Bon voyage, Don quichotte !"  Faute de se représenter le faisceau des émotions conséquentes à la mort d’Alfred Dogbé pour ses épouses et enfants, les comédiens d’Arène Théâtre, les gens de Niamey et, enfin, les compagnies débarquées des pays voisins, nous rongeons notre frein, qui reste comme une morsure exaspérante, ne souhaitant plus qu’une chose : que les textes d’Alfred soient réunis et publiés ! Monique Blin, qui fut pour lui un solide soutien, ne cesse de penser à ces publications et bataille fermement pour cette idée auprès des uns et des autres. Elle a raison. Il est vraiment essentiel désormais de voir se dessiner une pareille perspective. Elle est dans la main de ses enfants. Puissent-ils désormais répondre au mouvement de solidarité qui s’est levé à la mort de leur père.

En attendant de reprendre énergiquement ce flambeau, on pourra lire ci après une autre nouvelle inédite. Classique dans l’idée, "Une soirée de rêve", absorbe dans sa forme ce je ne sais quoi de Niamey, de bar en bar, de rue en rue, où se mijote la frustration d’un célibataire condamné à la solitude – thème récurrent de ses chroniques cruelles et sarcastiques de la vie nigérienne – et flirtant avec le délire et la mort.

Une soirée de rêve


Un samedi soir, Hamido éprouva le besoin de s'offrir une soirée de plaisirs. Il mit une heure à s'apprêter, sifflotant sous la douche, essayant tour à tour les plus élégantes de ses tenues, et esquissant des pas de danse face au miroir. Enfin, il enfourcha sa moto et se retrouva dans la rue.
Il se rendit au bistrot du quartier. Un petit coin bien calme. Le propriétaire savait mettre de l'ambiance. Les soirées de grande affluence et de grosse gaieté, il sortait sa guitare et vous arrachait des larmes de bonheur. Le bistrot attirait aussi pas mal de filles en quête d'aventures. Ce soir-là, une bande d’excités avaient envahi le coin. Des jeunes gens, qui dépensaient beaucoup d'argent, buvaient sans retenue, dansaient comme des épileptiques et parlaient sans s'écouter. Hamido ne put longtemps tolérer l'arrogance obscène qui suintait de leurs gestes et propos. Il déclina l'offre du patron qui le défiait aux échecs. Ce soir-là, il voulait vraiment s'amuser ! Il se retrouva de nouveau dans la rue. Mais il ne savait plus où aller.
Ce fut le début d’une longue errance. Hamido roula à petite vitesse, la tête bruissant de réflexions aigres. Depuis des mois, il avait vécu coupé du monde, occupé par la rédaction de ses travaux scientifiques. Et ce soir il constatait amèrement son absence au monde. C'était bien cela, ce ne pouvait être que cela : il ne faisait rien pour entretenir ses relations, pour les approfondir. Pourtant, il était né dans cette ville ! Il avait grandi dans ces mêmes rues grouillantes d'inconnus. Il en connaissait tous les recoins mais ne trouvait personne !
Hamido fut bien mal inspiré de se rendre chez Djibick. Avachi devant son poste-téléviseur, assommé par la douzaine de canettes de bière qui jonchaient le parterre, son ancien camarade de fac l'accueillit chaleureusement mais ne leva pas les yeux de l'écran où deux hommes politiques prophétisaient le bonheur de l'humanité en échangeant des insultes. Cinq minutes plus tard, Hamido reprit son errance. Djibick n'avait pas remarqué son départ. Ils ne s'étaient rien dit.
Hamido parcourut encore plusieurs artères de la ville. Il roulait de plus en plus vite. Il ne s'arrêtait que pour boire un verre, debout au comptoir de quelque bistrot. Juste le temps de constater qu'il n'y avait personne de sa connaissance. Jamais il n'avait réussi à se faire un ami. Jamais il n'avait réussi à garder une fille qui lui avait plu.
L'idée lui vint de relancer Agnès, une étudiante en philosophie avec qui il était sorti une ou deux fois. Il la trouva en compagnie de deux autres filles laides comme la mort et d'un jeune homme au regard fuyant qui parlait comme un livre. Un groupe de travail qui préparait une niaiserie d'exposé sur le principe du plaisir dans la culture occidentale. Agnès plaidait passionnément  la nécessité d'adopter une méthode plus critique et une démarche plus originale. Ses camarades n'étaient pas moins passionnés. La discussion s'embourba. Hamido les écouta se masturber avec Freud et ses incestueux personnages. Quand il fut rassasié de libido et de cogito, il partit sur la pointe des pieds.
Il quitta Agnès et ses camarades dans une fureur qui l'incita à martyriser sa moto. Il fonçait à toute allure, hanté par le dîner qu'il aurait voulu partager avec l'étudiante. Ils seraient certainement allés dans le restaurant où ils avaient lié connaissance. Ils y auraient savouré d’exquises brochettes de mouton accompagnées d’un succulent couscous à la sauce de légumes. Le chef serait lui-même venu déboucher la bouteille de grand cru. Un vrai nectar, capiteux et profond comme un gouffre. La conversation aurait rapidement pris la tournure gaillarde qui ouvre des brèches et autorise des audaces de langage et de gestes...
Une terrible envie de vengeance montait en lui au fur et à mesure qu'il envisageait tout le plaisir qu'ils auraient pu s'offrir. Hamido se mit à effrayer les passants avec la moto. Il leur fonçait dessus. Ses victimes restaient un court moment paralysées de peur puis hurlaient. Hamido attendait l’ultime instant puis les esquivait, les frôlant presque, avec la finesse de ses dix années de moto. C'était angoissant. C'était excitant. C'était délicieux. Ce petit jeu réussissait chaque fois. Hamido eut plus d'audace et s’en prit aux voitures qu'il croisait. Il fonçait sur elles tous feux allumés en klaxonnant à mort. La plupart du temps, le conducteur grimpait sur le trottoir en catastrophe. Hamido le voyait dans le rétroviseur qui criait des insanités. La vitesse, le danger et la panique de ses victimes lui procurèrent une excitation aussi intense que celle qu'il éprouva la fois où l’apprenti-philosophe accepta de l'accompagner en boite de nuit.
Ce soir-là, ils avaient littéralement pris racine sur la piste de danse. Deux lianes enlacées qui balançaient au rythme du blues. Agnès tremblait d’émotion dans les bras de Hamido qui murmurait son désir au creux de son oreille. Il lui décrivit les lames de feu qui lui mangeaient la chair, la boule d'épines qui déchirait son ventre, les laves volcaniques qui remontaient de ses tréfonds. Elle étouffa son délire d’un baiser sur la bouche. Hamido sombra dans un vertige tellurique. Tout tournait autour de lui pendant qu'il jaillissait littéralement dans son pantalon. Tétanisé par l'extase, près de s'affaisser sur la piste de danse comme un sac vide, Hamido devinait seulement le corps d'Agnès qui soutenait sa torpeur, les doigts d'Agnès qui caressaient sa chevelure, la voix d'Agnès qui déversait de l'or dans ses oreilles tandis que ses jambes à lui brûlaient du déferlement torrentiel de son incontinence. Alors, dans un bref éblouissement, Hamido se vit dans un verdoyant jardin verdoyant où couraient d'impétueux ruisseaux de lait et de miel. Un défilé de palmiers se déhanchait sous la caresse du vent. Des enfants vêtus de blancs lançaient au soleil des cerceaux scintillant de mille feux. Des oiseaux volaient si bas et si  lentement qu'on pouvait les attraper. Assis parmi des fleurs bleues, un vieillard fumait sa pipe, heureux.
Ce fut la même illumination que Hamido éprouva quand un conducteur aussi téméraire que lui freina brusquement en maintenant le véhicule sur la voie. Hamido se vit encastré dans l'avant de la voiture. Il ferma les yeux et hurla tout en essayant de dégager la voie. Il n'enregistra aucun choc.
Etait-ce parce qu'il avait franchi la frontière incertaine entre le plaisir et la douleur?
Les yeux de Hamido se rouvrirent sur un égout à ciel ouvert qui béait comme un crocodile affamé. Il n'avait pas fait dix ans de moto pour rien : un simple jeu d'embrayage et d'accélérateur, et hop! Il fit décoller l'engin et bondit par-dessus l'obstacle. Dans la rue, les passants étaient petits. Ils avaient tous la tête levée vers le ciel et pointaient leur doigt admirateur sur lui. La moto fonçait dans la douceur cotonneuse des airs par-dessus la ville qui ne montrait que lui, ne voyait que lui, ne parlait que de lui, n'enviait que lui. Enfin elle toucha terre. Un tonnerre d’applaudissements salua la maîtrise du pilote. Les badauds accoururent comme des moineaux mais Hamido ne perdit pas une seconde : il fonça en les abandonnant dans un nuage de poussière et de fumée.
Hamido se retrouva dans une autre boite de nuit. On y accédait par un étroit et ténébreux escalier qui descendait en colimaçon jusqu'au sous-sol. Il eut le sentiment de s'enfoncer dans des profondeurs abyssales. Une fille s’assit à sa table. Des éclairs de néon zébraient continuellement sa face de fugaces bandes colorées. Hamido entrevit successivement un nez bleu, des dents vertes, des yeux rouges et des joues jaunes. Par moments, tout le visage surgissait dans un éblouissement de lumière crue et violente. Mais Hamido clignait alors les yeux sans rien retenir d'autre qu'une impression d'extrême jeunesse et de beauté intense. La fille lui racontait quelque chose de vraiment drôle. Elle ponctuait ses propos d'un petit rire provocateur et de gestes larges traçant des arabesques bariolées dans l'air. A ce moment, les premières notes d'un rock endiablé se firent entendre. Elle se leva soudain et l'entraîna sur la piste de danse:
- Super ! C'est mon morceau. Viens danser !
Elle fut extraordinaire de fantaisie et d'humour. Bientôt un cercle d'admirateurs se forma autour d'eux. De toute la boite de nuit, ovations et applaudissements s'élevaient pour saluer leurs prouesses. Cinq minutes époustouflantes ! Puis une langoureuse salsa lui donna le loisir de goûter aux promesses de ce corps menu, souple, et incroyablement nerveux. Le charmant tourbillonnement de ses petits bras, le balancement de son cou, ses poses affolantes, son rire démoniaque achevèrent d'effacer sa mélancolie. La fille lui disait s'appeler Nathalie. Ses doigts étaient d’une finesse irréelle. Ils burent et dansèrent encore. Encore et encore. Puis ils sombrèrent d’épuisement et d’ivresse sur la piste de danse.
Les yeux de Hamido se rouvrirent sur les murs blancs d'une chambre inconnue et les dents blanches d'un homme en blouse blanche debout près de son lit.
- Alors, monsieur ? Déjà réveillé? Hier à deux heures du matin, on vous a emmené ici. Totalement inconscient. Un accident de la route. Votre moto s'est encastrée sous le châssis d'une voiture venant en sens inverse. Pour un homme ivre-mort, vous avez vraiment eu du pot !


jeudi 14 juin 2012

Charline et Alfred, nouvel épisode


 

Résumé des épisodes précédents 

Charline découvre Alfred : un coup de cœur pour la brève théâtrale A l’étroit qu’elle a choisie de mettre en scène en 2003 dans le cadre du spectacle, conçu par Roland Fichet, Pièce (s) d’identité, croisant des œuvres d’auteurs africains et français. Elle rencontre Alfred pour de vrai à St Brieuc. Ensuite toute la troupe part en tournée en Afrique. Magie : la petite pièce marche du feu de Dieu !

A l’étroit acquiert, de représentation en représentation – au Niger, au Bénin, au Burkina Faso -, une vie propre, transfuse par l’appropriation jubilatoire du public. Les acteurs, la scénographe, la metteuse en scène et l’auteur sont comme possédés par ces vingt minutes déconcertantes de crudité – une effraction ravageuse dans l’imaginaire théâtral, si convenable.

De retour en France, Charline reste sous le choc : sur la braise des souvenirs A l’étroit continue d’occuper son esprit. Un sentiment d’inachèvement se précise, entrainant à un nouveau jeu de vases communicants. Charline propose à Alfred de rallonger la pièce pour donner au vaudeville une  sensibilité qui, oscillant du masculin au féminin, favorise l’identification du public et des acteurs.

Complicité fertile, légère, énergique. L’un et l’autre, Charline et Alfred, chacun à son continent, bricolent une production affranchie des tutelles précédentes. A l’étroit, version 2, est crée à Agadez en mars 2005. Nouvelle tournée : Zinder, Niamey, Cotonou, Dakar…

Avec une implication plus profonde de ses protagonistes – auteur, metteuse en scène, scénographe, acteurs et public –, A l’étroit a accru sa force d’impact : un jeu grisant à tourner autour du pot, ce foyer caché de contradictions où les certitudes vacillent sous les coups de boutoir de la farce autocritique. Tout le talent d’Alfred Dogbé.

Une fois la belle page tournée, l’amitié entre Alfred et Charline continue de faire long feu, une complicité à l’enseigne du prénom du dernier des petits Dogbé : Charles…

Plus tard, Charline sera appelée à la rescousse pour la mise en scène de Burocrassie. Plus tard encore, Charline demande à Alfred d’écrire une pièce pour elle et Béto. Alfred écrit un premier jet et Charline voudrait en discuter, y travailler, mais Alfred est pris de court par la mort. Huit années d'amitié ont pris fin.

Il y a trois mois


Nous, les amis français d’Alfred Dogbé, avons organisé, parallèlement à l’aide de la SACD, une collecte pour ses enfants. Nous avons choisi en même temps de donner un coup de pouce au Festival Emergences en finançant simplement le billet d’avion de Charline Grand, invitée pour y animer un atelier de mise en scène autour de la transposition d’une nouvelle d’Alfred.

La fluidité et la simplicité de cet élan avaient quelque chose du ruisseau sous l'orage - pour poursuivre la métaphore sur la liberté filée dans un entretien-vidéo dont nous avons publié un extrait sur ce blog. La vivacité du courant qui nous avait entrainé à suivre ses hauts paris a très vite contourné l’obstacle de sa mort pour se projeter dans une suite possible. Il faut le souligner étant donnée l’extrême difficulté de toute forme de coopération artistique entre la France et le Niger.
La certitude de la venue de Charline à Niamey a poussé ensuite l’équipe d’Arène Théâtre à lui proposer de refaire une mise en scène de A l’étroit dans sa version la plus courte : la façon la plus juste de boucler la boucle en rendant hommage à l’écrivain, au fondateur de la compagnie, au créateur du Festival, à l’agitateur et au tisseur de liens entre la France et le Niger.


Ce soir


La représentation de A l’étroit a lieu ce soir. Nous ne doutons pas que la réalisation de ce pari ait été pour tous – Charline, Béto, l’équipe d’Arène Théâtre et la famille d’Alfred – une véritable épreuve à tous les points de vue.

Charline, puisque tu as porté ainsi nos songes jusque là, nous devons te dire, ce soir même, avant les trois coups, combien nous te sommes reconnaissants pour ton courage, ton ardeur amicale et ta connivence subtile avec Alfred.