Afrique amère, peinture de Sani, 2009 |
J’ai la prétention d’être le seul auteur professionnel du
Niger, c’est à dire quelqu’un qui tente de vivre de sa plume. La littérature
nigérienne, ainsi que les autres activités artistiques, sont pratiquées par des
personnes qui ont un autre métier en parallèle. J’ai été professeur de français
jusqu’en 1998, et j’ai décidé d’arrêter pour me consacrer à l’écriture et
diriger une compagnie de théâtre. On ne construit pas un pays sans diffuser des
valeurs auxquelles tout le monde adhère. Les récents événements politiques qui
ont eu lieu au Niger, à savoir un président démocratiquement élu deux fois qui
décide de s’éterniser, ont été rendus possibles parce que, à un moment donné,
on a réussi à faire admettre qu’un voleur pouvait se pavaner dans la rue sans
raser les murs, qu’on pouvait tricher sur la place publique et s’en vanter. Si
déjà la littérature permettait au Niger de laisser circuler ces valeurs sans
lesquelles on ne peut avoir de société (sinon un vrai western où prévaut la loi
du plus fort), on ferait un grand pas en avant. Le Niger n’est connu à
l’extérieur de ses frontières que par ses sécheresses récurrentes et son coup
d’état de vingt sept minutes, le plus rapide du monde. Pourtant, c’est un pays
qui a des choses à dire, à partager avec le monde.
Extrait des réponses données par Alfred Dogbé au questionnaire adressé
à 30 auteurs africains à l’occasion de la célébration du cinquantenaire des
indépendances (Indépendance cha cha, éditions Magellan & cie, 2010).
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