Un « énorme défi » donc, à la fois
artistique et politique.
Le discours d’Alfred sur le festival était d’une grande limpidité – seul viatique pour survivre, cahin-caha, et espérer un passage de relais, vaille que vaille, auprès de la société nigérienne. Un cri d’alarme déguisé en manifeste constructif.
Le discours d’Alfred sur le festival était d’une grande limpidité – seul viatique pour survivre, cahin-caha, et espérer un passage de relais, vaille que vaille, auprès de la société nigérienne. Un cri d’alarme déguisé en manifeste constructif.
Alfred recherchait la vitesse et la solidarité
collective quand le moindre détail relatif à l’organisation d’un festival – à
l’échelle de l'Afrique de l'ouest francophone – exigeait son implication et de longues
et laborieuses négociations. Depuis 2007, d’édition en édition, il lui a fallu,
à lui comme à toute son équipe, résister à l’usure - des efforts de
Sisyphe. Le pire des défis se
substituait au défi initial de l’écrivain en quête d’efficacité…
J’avais assisté au lancement du Festival à
Niamey avec l’impression de voir s'y dérouler une séquence de western – comme si
les 9 mercenaires-saltimbanques de la Compagnie Arène avaient tenté de
soulever toute la ville en
prévision d’un assaut… Non pas de l’ennemi mais de l’inconnu… La première
édition avait quelque chose d’héroïque, presque fantastique, et j’avais rêvé
que la terre entière prenne connaissance de ce prodige. Je lui avais donc
demandé de me raconter ce moment. L’entretien se présente sous une forme
classique propre à une publication culturelle ; il est forcément daté mais
contient des passages remarquablement éloquents.
Extrait :
En 2001, après avoir
essayé de travailler comme un auteur en chambre en livrant des textes à des
compagnies, je restais insatisfait parce qu'aucune d'entre elles n'avait
véritablement d'énergie pour avoir une activité régulière, organisée. Je me
suis dit : ce que les autres ne font pas, je vais le faire moi même. J'ai constitué
une compagnie pour pouvoir monter un texte. C'était Tiens Bon, Bonkano. On
s'est dit pourquoi ne pas continuer ? C'était de 2001 à 2006.
L'équipe actuelle,
composée de 9 personnes, a fait ce constat : sur 365 jours la Compagnie Arène
Théâtre n'a jamais réalisé plus 30 spectacles dans une année. Parmi toutes les
questions que nous nous posions, la principale était : comment fait-on pour
jouer suffisamment, pour nous donner les moyens d'exister comme une véritable
compagnie de théâtre ? Où peut-on diffuser nos spectacles ? La réponse est
toujours la même : dans les festivals de la sous région en Afrique de l'Ouest.
Or, dans tous ces Festivals, quelque chose se passe qui ressemble à une
comptine entre compagnies : "Tu m'invites parce que je t'invite". Notre
première envie de créer le Festival Emergences venait directement de cela.
Monter un festival nous donnerait plus de chance d'être invité par un autre
festival ! ça ne suffisait pas
pour faire un projet qui tienne la route. Alors on a continué à se questionner…
… Il y avait aussi
cette frustration, partagée par toute la compagnie, causée par le fait d'aller de festival en festival pour se
retrouver entre 100 et 150 personnes, toujours les mêmes, à Lomé, à Ouaga, etc.,
qui s'applaudissent ou se haïssent entre eux. Toujours les mêmes spectacles qui
se promènent de la même façon. De quoi se demander : on fait ça pour qui ? Cela
nous a amené à questionner Niamey. Si nous voulions nous inscrire dans un
projet professionnel, ne serait-ce que d'un point de vue très égoïste, il
fallait d'abord déterminer comment il était possible de se construire un avenir
professionnel dans cet environnement. La réponse était forcément : en créant un
public grâce à une implication des organisations et associations de la ville.
C'était de l'ordre de l'évidence. Il fallait qu'on fasse ce Festival à Niamey.
… Le constat d'une large
exploration de toute la ville nous a amené à formuler ce préalable : monter
ce Festival signifiait la nécessité d'amener les institutions Nigériennes -
Etat et collectivités - à s'impliquer dans la production artistique. Il fallait
sortir d'une production de parrainage qui consiste principalement à inviter des
artistes dans les galas organisés lors de la visite de chefs d'Etat étrangers.
C'est seulement par là qu'on peut créer les bases d'une profession.
L'accord de principe
de toutes ces institutions, on l'a eu très rapidement et très simplement, mais
le passage à l'acte s'est avéré très douloureux : 6 mois après la clôture du festival
(au moment de cet entretien), nous n'avons toujours pas encaissé la moitié de
la subvention…
Cinquième édition du Festival Emergences. Photo Abdoul Aziz Soumaïla |
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